Maman, Papa, Oncle, Tante, Grand-père, Grand-mère, Famille : (Canadian Edition — French Translation)

Letters4BlackLives-Canada
Letters for Black Lives
4 min readJul 4, 2020

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Maman, Papa, Oncle, Tante, Grand-père, Grand-mère, Famille :

Il faut qu’on parle.

Vous n’avez peut-être pas beaucoup d’amis, de collègues ou de connaissances noirs ou autochtones, mais moi, j’en ai. Ces personnes représentent une partie fondamentale de ma vie : ce sont mes amis, mes voisins et ma famille. Et j’ai peur pour eux.

Récemment, au Minnesota, un policier blanc a tué un homme noir du nom de George Floyd en s’agenouillant sur son cou pendant près de neuf minutes tout en ignorant ses cris répétés disant qu’il ne pouvait pas respirer. Deux autres policiers blancs l’ont aidé à retenir Floyd pendant qu’un quatrième policier d’origine asiatique a monté la garde et n’est pas intervenu.

Au Canada, les personnes noires et autochtones subissent aussi le même type de violence : en mai cette année, Regis Korchinski-Paquet, une femme noire autochtone, est tombée de son balcon du 24e étage lors d’une intervention policière à Toronto. Le 4 juin, Chantel Moore, une femme de la Première nation Tla-o-qui-aht, a été tuée par balle par l’agent qui est venu chez elle pour effectuer un contrôle de bien-être au Nouveau-Brunswick. Au fil des années, la police canadienne a tué plusieurs autres personnes noires et autochtones, tels que D’Andre Campell, Eishia Hudson, Jason Collins, Jermaine Carby, Abdi Hirsi, Andrew Loku, Jean-Pierre Bony et encore bien trop d’autres.

La police n’a presque subie de conséquences pour le meurtre des personnes noires ou autochtones, même lorsque les cas ont fait l’objet d’une vaste couverture médiatique. Imaginez combien d’autres incident ne sont pas enregistrés ou restent sans témoin.

C’est une réalité effrayante à laquelle mes proches noirs font face tous les jours.

Au Canada, il semble facile d’imaginer que la violence et le racisme sont des problèmes américains, surtout quand les médias les représentent ainsi, mais ce n’est pas vrai.

Vous devez vous demander : nous aussi, nous sommes une minorité. Nous sommes arrivés au Canada en partant de presque rien et nous avons réussi dans la vie, en dépit de la discrimination. Alors, pourquoi pas eux ?

J’aimerai partager avec vous mon point de vue. Je vous dis cela avec amour, parce que je souhaite que chacun d’entre nous, moi y compris, soit plus impliqué.

La plupart du temps, lorsqu’on marche dans la rue, les gens ne nous perçoivent pas comme une menace. Ils ne sortent pas d’armes de leur poche quand nous faisons du jogging dans le quartier. Tant que nous respectons la loi, nous pouvons faire confiance que la police nous protégera.

Ce n’est pas le cas pour nos amis, nos voisins, et nos proches noirs et autochtones.

Comme vous le savez peut-être, les européens ont colonisé ce continent, volé les terres et ressources des populations autochtones, et amené de force des Noirs d’Afrique comme esclaves. Pendant des siècles, leur communautés, leur familles et leur corps ont été maltraités comme propriété à but lucratif. Même après l’abolition de l’esclavage et la signature de traités, le gouvernement les ont livrés à eux-mêmes pour reconstruire leurs vies — il leur ont légalement refusé les droits de vote, d’accès à une éducation, d’être propriétaires ou d’être chefs d’entreprise. Ces inégalités sont renforcées par la police et la prison — un lien direct aux patrouilles pour la police des esclaves et aux plantations. Leur oppression n’est pas terminée ; elle n’a fait que changer de forme.

Les personnes noires et autochtones ont non seulement persisté, elles ont aussi persévéré contre toute attente. Elles ont été battues par la police, emprisonnées, et tuées dans leur bataille pour l’accès aux mêmes droits et privilèges dont nous profitons aujourd’hui. Malgré un système injuste qui nous oppose les uns contre les autres, les militants noirs ont aidé à mettre fin à la ségrégation raciale qui nous bénéficie tous, et les communautés autochtones nous ont toujours montré des preuves de bienveillance et de solidarité.

Ce système injuste se fait prévaloir malgré quelques progrès. Au fil des siècles, notre gouvernement continue à tuer des personnes noires et autochtones, sans aucune conséquence.

Je comprends que vous soyez inquiets et effrayés par le pillage et la destruction de biens que vous voyez. Mais imaginez votre souffrance si vous entendiez d’autres personnes exprimer plus de compassion pour des biens matériels que pour la vie de vos êtres aimés, votre désolation si l’on envahissait vos terres ancestrales, votre épuisement si vous aviez à vous battre contre les mêmes violences institutionnelles que vos ancêtres, votre peine à protester en plein milieu d’une pandémie.

Pour toutes ces raisons, je soutiens le mouvement « Black Lives Matter » et la souveraineté des peuples autochtones.

Ce soutien se traduit notamment par prendre la parole quand je vois des personnes de ma communauté — ou même de ma propre famille — dire ou faire des choses qui les rabaissent et remettent en cause leur humanité dans ce pays. Notre silence coûte cher et il faut qu’on en parle.

Je suis fièr·e et éternellement reconnaissant·e des combats que plusieurs d’entres vous avez menés dans un pays qui n’a pas toujours été tendre envers vous. On nous a accusé d’y avoir apporté la pauvreté, la maladie, le terrorisme et le crime. Vous avez subi ces préjugés, afin de me permettre de mener une meilleure vie.

Mais ces luttes montrent aussi plus clairement que jamais que nous sommes tous concernés et nous ne pouvons pas nous sentir en sécurité tant que nos amis, nos proches et nos voisins noirs et autochtones n’y sont pas. Le Canada que nous cherchons à construire est un endroit où nous pouvons tous vivre sans crainte. C’est l’avenir que je veux — et j’espère que c’est aussi celui que vous voulez.

Avec amour et optimisme,

Vos enfants

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